Un Noël de plus. Un Noël à trois, comme j’en ai longtemps rêvé.
Et pourtant, il y a toujours ce vide en moi.
C’est comme si à l’approche des fêtes, je commençais à construire mon puzzle. Un grand puzzle de 1000 pièces qu’on fait en famille. On construit d’abord les bords, on le fait bien, on procède étape par étape. On planifie tout pour que tout soit prêt le jour J du 24 décembre au soir. J’appréhende, je panique, je stresse, mais tout est revêti d’une importance particulière, cette importance semblable à une question de vie ou de mort: oui, il me le faut, le beau sapin. Oui, sa décoration doît être parfaitement harmonieuse et doit être organisée avec une rigueur religieuse. Ma maison doit être profondément rangée, de fond en comble. Le repas de Noël doit être longuement réfléchi et planifié. Tous les vêtements de la maison parfaitement repassés et rangés. Mes petites étoiles de Noël à la cannelle doivent être prêts le 23 décembre au plus tard pour que l’esprit de Noël puisse opérer. Tout ça dans l’attente que le 24 décembre à 18h tout soit parfait. Que toutes les pièces du puzzle collent. Que le tableau d’un Noël parfait soit achevé et qu’on puisse le contempler dans une paix bienheureuse.
Mais depuis le départ, le tableau n’est pas réalisable parce qu’il y a des pièces manquantes. Inconsciemment, je le sais depuis le départ. Mais j’essaye quand même. J’essaye de sauver Noël. Mon Noël imaginé. Mon Noël impossible. L’illusion vaine que tout les trous puissent être comblés. Et lorsque, en plein milieu du saint repas, je réalise la présence de ce vide éternel au fond de moi, je prends conscience que tout cela était raté d’avance. Que Noël n’a aucune importance. Que c’est une masquarade, même. Et j’ai l’envie irrepressible de tout arrêter. De dire que je vais me coucher. De défaire le sapin, de ranger ma maison et de la nettoyer de fond en comble, comme on a envie de se nettoyer les tripes après une crise de boulimie. Car c’est de ça qu’il s’agit en périodes de fêtes: d’une crise. Une crise de schéma psychologique. Et je me sens sale et stupide de l’avoir subie, une fois de plus. Et je me demande combien de temps je la subirai encore. Combien de temps j’y croirais encore. Si un jour je sauverai Noël, parce que l’espoir est toujours là.
On est le 25 décembre. Hier soir était une réussite. J’ai cuisiné pendant 7 heures. J’ai fait un dessert la veille qui m’a pris 5h de ma journée. J’ai acheté un sapin et des décorations pour plus de 200 euros. J’ai fait un repas digne d’une émission Masterchef. J’ai frotté, repassé, pâtissé, invité. Espéré. A table, tout le monde était content. Ils riaient, et s’amusaient. Je souriais, mais mon coeur n’y était pas. J’ai eu une pensée pour la photo que j’ai accroché dans mon bel arbre. Une photo de moi quand j’avais 2 ans avec mon père et ma mère. La seule photo, je pense, où l’illusion d’un bonheur familial semble réelle. Je pense à mes pièces manquantes.
Et puis je regarde mon amoureux, qui est là, à mes côtés, un sourire tendre, un regard qui sait. Une caresse sur ma main qui me soutient. De l’autre côté, ma petite fille, mon adorée. De nouvelles pièces. Un nouveau puzzle. Et tout est là. Et il est temps à présent de ranger les rêves brisés du passé et de contempler avec bonheur les rêves réalisés et ceux à venir.
Alors, au lieu de défaire le sapin, au lieu d’appuyer sur mes blessures profondes, je me lève. En silence, je décroche la photo du passé au centre de mon arbre de Noël et la remplace par une photo de ma fille, avec son père et sa mère.
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